Plus de 70% des travailleurs belges étaient en grève le 9 novembre – une grève à l’appel de deux des trois principaux syndicats du pays – pour demander un plafonnement des prix de l’énergie et une adaptation du calcul de l’indice qui correspondrait au coût réel de la vie.
L’ensemble du pays a été gravement touché par la grève, tandis que certains secteurs ont été complètement fermés: usines, transports publics, aéroports, chemins de fer, hôpitaux, écoles, médias, services postaux, pompiers, supermarchés et même la police étaient en grève. Il est bien sûr important de mentionner que le taux de participation’a pas été le même dans les différentes régions du pays, la partie sud étant plus active. Pourtant, deux ports flamands importants, Anvers et Gand, ont été complètement fermés. Plus de 60% des vols ont été annulés à l’aéroport de Bruxelles, où la participation à la grève était de 70%. En même temps, l’aéroport de Charleroi était complètement fermé. En plus, il est important de noter que les commerçants et les indépendants étaient également en grève, c’est du jamais vu!
Appauvrissement de la société belge
La forte participation à la grève et son succès indéniable sont tout à fait justifiés. Selon les chiffres les plus récents des instances officielles, 25 % des Bruxellois, entre 15,8 % et 18,8 % des Wallons et un peu moins de 10 % des Flamands se situent en dessous ou juste au seuil de pauvreté. L’inflation galope à plus de 12 %, alors que les adaptations salariales et les augmentations d’allocations touchent à peine 2 %. Les factures d’énergie et les prix des produits de base explosent et une famille moyenne a beaucoup de mal à s’en sortir.
Cette grève nationale a été la suite logique des actions syndicales organisées avec succès en septembre et en juin. Depuis le début de l’année, les syndicats se sont mis à collecter des signatures pour demander que le Parlement fédéral lance une discussion visant à réviser le système d’indexation ; cette initiative a été prise parce que la loi de 1996 est loin de couvrir les besoins d’aujourd’hui et est pratiquement avantageuse pour les employeurs et les grandes entreprises. Plus de 100.000 signatures ont été recueillies jusqu’à présent, ce qui a dépassé de loin les attentes des syndicats. Déjà en septembre, et encore plus maintenant, l’établissement d’un plafond pour les prix de l’énergie a été ajouté comme priorité absolue à la liste des revendications. Viennent ensuite les demandes d’augmentation des allocations, d’imposition des bénéfices des grandes entreprises et de soutien des primes liées aux déplacements domicile-travail.
Les contradictions des syndicats
Compte tenu de l’urgence financière de la société et de la pression des travailleurs sur les syndicats pour qu’ils agissent, il est étonnant qu’aucune manifestation n’ait été appelée, ni au niveau central (à Bruxelles), ni au niveau local. Les traditions dans les trois régions du pays sont différentes et des manifestations sont appelées beaucoup plus souvent en Wallonie et à Bruxelles qu’en Flandre. Pourtant, il est arrivé dans le passé que des syndicats appellent à une manifestation centrale à Bruxelles et que des grévistes des autres villes y participent également. Une manifestation très réussie a été l’un des éléments centraux de la journée d’action de juin et il serait logique de la répéter. Une manifestation serait nécessaire pour faire mieux entendre les revendications de la grève dans la société et pour contribuer à développer des liens entre les différents secteurs en grève. En outre, elle transmettrait une ambiance combative dans les rues et encouragerait le reste de la société à lutter.
Bien sûr, de nombreuses actions locales et piquets de grève ont été organisés (plus de 34 rien qu’en Flandre) ; une manifestation a été appelée par le syndicat bruxellois du secteur public (CGSP/ACOD) au siège du principal fournisseur d’énergie en Belgique (Engie) ; le même syndicat a organisé une autre manifestation à Anvers, tandis qu’à Liège, une soupe populaire a été mise en place devant le siège d’un fournisseur d’énergie local (Resa). Mais sans manifestation, l’impact de ces actions réussies a été considérablement limité.
De manière assez surprenante, les commerçants et les indépendants ont fait la différence. En plus de participer à la grève, leur branche liégeoise a organisé une manifestation devant le Parlement européen à Bruxelles, car “c’est là que toutes les décisions sont prises”.
Ce qui est encore plus étonnant, c’est que dans certains cas, les travailleurs des syndicats appelant à la grève… n’ont pas été autorisés à faire grève ! Dans ces cas, l’information sur les actions et les points de rencontre n’a pas été diffusée en interne, tandis que les employés ont été priés de faire preuve de compréhension car… “comme il y a déjà de nombreux jours fériés en novembre, les employés des syndicats doivent travailler afin de soutenir les grévistes” ! Un représentant de la CSC/ACV a déclaré à la télévision néerlandophone que “le pays n’est pas fermé, nous voulons faire grève à certains endroits et envoyer un message au gouvernement et aux patrons” – il y a eu même des médias qui ont donné une image plus combative de la grève…
Que faire ensuite ?
Ces deux éléments ne font que démontrer que les syndicats officiels en Belgique ne sont pas à la hauteur de leur tâche. Dans une conjoncture comme celle d’aujourd’hui, où les crises financière et énergétique frappent durement la classe ouvrière, ils se contentent d’appeler à une grève nationale, mais font à peine l’essentiel pour que la grève soit un succès. Comme s’ils ne souhaitaient pratiquement pas que la grève ait lieu… Et pourtant, elle a été réussie !
Il est plus qu’évident que la classe ouvrière, qui souffre de la réalité de la crise, est suffisamment consciente de la nécessité de lutter. Ce qui est réellement nécessaire, ce sont des structures d’avant-garde du mouvement ouvrier pour organiser cette lutte, se coordonner avec les travailleurs des autres pays et lutter pour des salaires décents correspondant au coût de la vie et pour une répartition juste des richesses dans la société. Pour cela, il est absolument nécessaire de nationaliser les principaux secteurs de l’économie (surtout le secteur énergétique) et de les placer sous le contrôle social et ouvrier.
Compte tenu du fait que les syndicats existants sont loin d’assumer cette tâche en raison de leur bureaucratisation, les travailleurs doivent pousser fort, mais aussi prendre des initiatives pour de nouvelles structures, capables d’organiser précisément cette lutte nécessaire. En outre, ces structures devraient travailler sur un plan détaillé pour intensifier les actions et les grèves futures. Cependant, il semble qu’elles devraient également exiger que les employés des syndicats soient autorisés à faire grève et que des manifestations soient également organisées aux jours de grève…